Excellence Mme la ministre d’État, ministre de l’Environnement et Développement Durable,
Monsieur le Directeur Général des Forêts Représentant le Secrétaire General à l’Environnement et Développement Durable,
Monsieur le Coordonnateur National d’ANAPAC,
Messieurs les partenaires techniques et financiers,
Messieurs les délégués communautaires,
Distingués Invités, en vos rangs, grades et qualités respectives,
Mesdames et messieurs,
C’est un honneur pour moi d’être avec vous aujourd’hui et de prendre la parole à l’entame des travaux, de l’atelier de lancement officiel du processus de l’élaboration de la stratégie pour la conservation communautaire en dehors des aires protégées en République Démocratique du Congo. Ce moment historique est un pas de plus vers le changement de paradigme en matière de conservation et de biodiversité.
Nous sommes réunis, ici aujourd’hui pour répondre à une question vitale : Quelle est la stratégie pour la conservation en dehors des aires protégées dans notre pays ? Mais aussi, je voudrais suggérer que l’on se pose la question de savoir comment devons-nous soutenir et autonomiser les peuples autochtones et les communautés locales, y compris les femmes et les jeunes au sein de ces communautés, afin de “booster” la conservation et contribuer aux efforts de notre pays afin d’atteindre les objectifs de conservation de la biodiversité ?
Mesdames et messieurs,
Environ 20 millions d’autochtones et de communautés locales vivent dans les zones de conservation de la biodiversité les plus importantes dans notre pays, et sur le plan global, les recherches scientifiques montrent de manière concluante que les taux de déforestation sont beaucoup plus faibles dans les territoires où ces communautés ont leurs droits fonciers collectifs sécurisés et la liberté de protéger leurs ressources naturelles en utilisant leurs connaissances traditionnelles.
Au niveau mondial, aujourd’hui, la diversité des espèces et des écosystèmes sur terre décline à un rythme plus rapide qu’à tout autre moment de l’histoire de l’humanité – jusqu’à un million d’espèces sont actuellement menacées d’extinction.
Pendant des années, nous avons entendu des experts mondiaux de la conservation demander aux gouvernements des pays du Sud, en particulier en Afrique, d’étendre les aires protégées et d’augmenter le pourcentage de leurs territoires nationaux réservés à la conservation de la faune et de la biodiversité. Ces appels se sont multipliés récemment avec l’objectif de mettre au moins 30% – et jusqu’à 50% – des zones terrestres et marines de la planète sous protection formelle d’ici 2030. C’est ce qu’on appelle désormais communément le plan 30×30.
Mesdames et messieurs,
On estime que le réseau actuel d’aires protégées en RDC couvre 13% de la masse terrestre du territoire national, qui comprend des parcs nationaux, des réserves de chasse et des réserves forestières.
La pratique de la mise en réserve de vastes étendues de terre pour une conservation stricte s’est installée durant la période coloniale et est à l’origine de la création de certaines des aires de conservation les plus emblématiques du continent : Serengeti (1958), Ngorongoro (1959), Virunga (1925), Kruger (1926), Hwange (1928) et Etosha (1907).
Des millions de Congolais ont été déplacées de leur terres traditionnelles au nom de la conservation. Cependant, comme le montrent maintenant les recherches, les plus grandes menaces ne viennent pas des communautés qui coexistent pacifiquement avec les écosystèmes de ces terres depuis des millénaires. Elles proviennent plutôt de l’agriculture à l’échelle commerciale, des industries extractives, de l’exploitation forestière industrielle, des émissions des projets industriels, et parfois même des acteurs chargés de les protéger.
Mesdames et messieurs,
En 1982, le Congrès mondial des parcs à Bali, en Indonésie, a appelé à l’expansion d’un réseau d’aires protégées pour couvrir au moins 10 % de la superficie terrestre de la Terre, un objectif qui a donné la primauté au rôle des gouvernements dans la détermination, l’établissement et la gestion des programmes de conservation.
Dix ans plus tard, en 1992, les engagements mondiaux en faveur de la conservation de la biodiversité ont été consacrés lors du Sommet de Rio de 1992 avec la signature de la
Convention sur la Diversité Biologique (CDB). En 2010, les parties à la CDB ont adopté les
Objectifs d’Aichi pour la biodiversité, y compris l’Objectif 11 : “D’ici à 2020, au moins 17% des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10% des zones marines et côtières, y compris les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes, sont conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d’aires protégées gérées efficacement et équitablement et d’autres mesures de conservation efficaces par zone, et intégrées dans l’ensemble du paysage terrestre et marin”.
Malgré cela, les objectifs d’Aichi pour la biodiversité, fixés il y a 24 ans cette année, n’ont pas été atteints. Aucun des objectifs de la CDB fixés en 1982, 1992, 2010 ou 2020 n’a été atteint. Cette situation nous interpelle tous et nous appelle à identifier de nouvelles idées ou de nouvelles façons de faire de la conservation qui peuvent être mises en avant en vue de l’atteinte de l’objectif 30×30 proposé.
Mesdames et messieurs,
Aujourd’hui, il est stratégique que les décideurs politiques Congolais reconnaissent que la réponse à la crise de la biodiversité réside dans la reconnaissance des droits et du leadership des communautés autochtones et locales dans la protection des forêts, et investissement dans leurs efforts de conservation.
Plus de cinq décennies de recherche montrent que les terres communautaires légalement reconnues stockent plus de carbone, créent beaucoup moins d’émissions et de déforestation et soutiennent les besoins de subsistance de plus de personnes que les terres administrées par des gouvernements ou des entités privées.
Les peuples autochtones et les communautés locales revendiquent des droits coutumiers sur près de 86,67% de la superficie terrestre de la RDC, et une bonne partie de la biodiversité restante du pays est localisée au sein de ces terres et territoires. Tout cela n’est pas une coïncidence, mais le résultat d’une conservation menée par les communautés.
Étant donné que d’importantes zones de conservation de la biodiversité chevauchent souvent des territoires habités par des communautés autochtones et locales, l’élaboration participative de la stratégie nationale de la conservation de la biodiversité en dehors des aires protégées doit être basée sur les droits humains et prendre en compte les connaissances et pratiques traditionnelles des communautés.
Un rapport de 2020 de Rights and Resources Initiative a prouvé que la conservation fondée sur les droits est une voie viable et efficiente pour parvenir à atteindre les objectifs mondiaux de biodiversité de 2030. Malgré les défis liés à la pauvreté et à l’injustice structurelle, les peuples autochtones et les communautés locales s’investissent énormément chaque année, gèrent et protègent la biodiversité de manière efficace et à des coûts moindres que les gouvernements ou acteurs privés.
Au nom de la coalition RRI, je réaffirme le rôle de chef de file des peuples autochtones et communautés locales en matière de conservation et la position selon laquelle l’avenir de la conservation est entre leurs mains. Il est de notre devoir, en tant que gouvernements, organisations internationales et bailleurs de fonds, de contribuer à l’élaboration d’une stratégie nationale participative basée sur les droits, visant à faire progresser la conservation des ressources en dehors des aires protégées par la reconnaissance et l’expansion de la sécurisation des droits communautaires collectifs.
Pour conclure, je nous sensibilise à tirer parti de la diversité culturelle de notre pays pour élaborer une stratégie nationale de conservation en dehors des aires protégées, qui placent l’homme et sa culture au centre de la protection de la nature.
Les peuples autochtones et les communautés locales sont des alliés clés dans la lutte pour protéger notre planète et il est temps que nous les laissions montrer la voie. Alors que nous poursuivons notre discussion, gardons ceci à l’esprit : Les terres sont habitées par les populations ayant des droits, et il est de notre devoir de protéger les deux : les terres et les hommes”.
Je vous remercie.
Monsieur Patrick Kipalu, Directeur des programmes RRI Afrique