Déclaration des organisations et réseaux de la société civile environnementale relative au secteur de l’eau en RDC

Déclaration des organisations et réseaux de la société civile environnementale relative au secteur de l’eau en RDC

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DÉCLARATION DES ORGANISATIONS ET RÉSEAUX DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ENVIRONNEMENTALE RELATIVE AU SECTEUR DE L’EAU EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Nous, Organisations et Réseaux de la Société Civile Environnementale réunis au sein du Groupe de Travail Climat REDD+ Rénové/ GTCRR, à l’initiative du Centre des Technologies Innovatrices et le Développement Durable/CTIDD, en marge de la journée mondiale de l’eau 2024 célébrée sous le thème « L’eau pour la Paix » ;

Réunis en atelier d’échanges pour réfléchir sur la situation actuelle du secteur de l’eau en vue de déceler les défis et formuler les recommandations pouvant améliorer la gouvernance dans ce secteur en République Démocratique du Congo.

Préoccupés à :

Apporter nos contributions aux attentes de l’ODD 6 concernant l’accès à l’eau salubre et à l’assainissement ;

Reconnaissant que :

La répartition de l’eau sur le continent africain comme dans le reste du monde est naturellement inégale. Actuellement, le continent africain est très contrasté en termes de pluviométrie du fait que le niveau des précipitations a énormément décru dans la plupart des pays désertiques et sahéliens caractérisés par une sècheresse assez constante. À l’opposé d’autres pays sont bien arrosés et enregistrent des fortes pluviométries notamment la RDC qui fait partie des pays riches en eau. Cependant, il se révèle qu’avec l’accroissement démographique et l’exaspération des effets du changement climatique, la demande en eau douce continue à s’accroître en Afrique en général et en République Démocratique du Congo en particulier.

Rappelant que :

Chaque année le fleuve Congo déverse près de 1600 milliard de m3 d’eau douce dans l’océan Atlantique constituant ainsi près de la moitié du débit de l’ensemble du continent africain[1].

L’important réseau hydrique du pays lui confère un potentiel hydroélectrique d’au moins 100 mille Méga watt, un potentiel important favorisant l’irrigation et facilitant la navigation dans presque 25 mille kilomètre dont 15 mille déjà classifié.

La ressource en eau dont dispose le pays offre des opportunités de production halieutique sur les 700 espèces identifiées dans l’ensemble de la RDC avec un potentiel touristique important grâce à ses beau paysage le long des cours d’eau mais presqu’inexploité. Fort malheureusement, le pays est confronté à des grands défis pouvant entrainer des corolaires sur le plan de la géopolitique, géostratégie liés à des questions de la valorisation, le partage et l’exportation des ressources en eau qu’il regorge malgré le cadre juridique qui l’organise.

Conscient que :

La RDC observe un faible taux d’accès à l’eau salubre en dépit de son potentiel hydraulique ;

Sachant que :

Le secteur de l’eau implique plusieurs parties prenantes, notamment (l’Etat, les provinces, les ETDs, le secteur privé, la société civile, les médias et le monde scientifique) ; Lesquelles doivent collaborer pour aller de l’avant.

À l’issue des réflexions menées, quatre défis majeurs ont été identifiés et quelques recommandations formulées pour améliorer la gestion du secteur de l’eau.

Ainsi déclarons ce qui suit :

1. De la Gouvernance dans le secteur de l’eau

Le développement et la réhabilitation du secteur de l’eau sont une priorité pour laquelle le gouvernement national s’est engagé dans les documents du Programme National et Stratégique de Développement et dans le cadre international des Objectifs du Développement durable/ODD 6. La gouvernance du secteur de l’eau en RDC est structurellement faible et caractérisée par des mandats institutionnels qui se chevauchent et se contredisent.

En 2015, alors qu’il n’existe pas une politique déclinant la vision claire sur le secteur de l’eau, la RDC s’est dotée de la Loi n°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau qui fixe les règles de la gestion durable et équitable des ressources en eau. Globalement, ladite loi intègre plusieurs aspects importants et fournit un cadre législatif pour une gestion intégrée des ressources hydriques.

Cependant, il est constaté que le cadre organisationnel, juridique et institutionnel reste incomplet et inadaptés aux réalités actuelles. L’absence de la politique nationale sur l’eau, la faible capacité institutionnelle, la fragmentation institutionnelle, le manque d’encadrement des privés qui investissent dans l’adduction d’eau en faveur des ménages urbains, périurbains et ruraux constitue un frein pour une gouvernance adéquate des ressources en eau du pays.

2. Du Cadre légal et règlementaire de l’eau en RDC

Le secteur de l’eau en RDC est compté parmi les matières des compétences concurrentes entre le pouvoir central et les provinces. Administrativement, il est placé sous la tutelle du ministère qui a la charge des ressources hydrauliques et de l’électricité, lequel travaille en étroite collaboration avec d’autres ministères ayant de l’incidence sur les questions de l’eau, entre autres : Environnement et développement durable, développement rural, agriculture, santé publique, etc.

La libéralisation du secteur comme l’une des innovations louables apporté par la loi ne donne pas encore des résultats attendus. Alors que cette mesure devait permettre à des opérateurs économiques intéressés d’investir dans ce domaine pour booster la concurrence, il se pose encore des questions d’ordre normatif et fonctionnel.  Le non élaboration des textes d’application prévue par la loi relative à l’eau est un défi majeur pour l’épanouissement du secteur de l’eau en RDC.

En effet, en dépit de la décentralisation et de la libéralisation, il se constaté encore une faible attraction des investisseurs en production d’eau pour l’approvisionnement des ménages. Dans les faits, c’est une prolifération de points de forage à Kinshasa et dans l’arrière-pays sans étude préalable des nappes aquifères qui s’observe et pose problème en terme de qualité et de coût d’approvisionnement.

 3. De l’Accès à l’eau potable en RDC 

Regorgeant d’abondantes ressources en eau, la République démocratique du Congo (RDC), enregistre un faible taux d’accès à l’eau potable malgré qu’elle possède plus de 50% des réserves d’eau du continent africain.  Bien que des efforts continus, le taux d’accès en eau potable oscillerait autour de 50 %, l’un des plus faibles d’Afrique subsaharienne et c’est un recul par rapport à la suite des années 1990.[2],[3]

Il est plus qu’essentiel de mobiliser les investisseurs dans la fourniture d’eau en faveur des ménages en lieu et place des sociétés de commerce d’eau en bouteille ne répondant pas à la question cruciale d’accès en eau potable.  

4. Des Impacts du réchauffement climatique sur le cycle de l’eau

Le réchauffement climatique a et aura considérablement un impact direct sur les composantes du système hydrique actuel dans plusieurs régions du globe entrainant ainsi, des perturbations sur le quotidien des êtres vivants notamment l’humain[4]. Les phénomènes extrêmes selon les régions sont plus fréquents et plus puissants : pluies violentes et inondations, longues périodes de sécheresse. En parallèle, la quantité d’eau qui alimente les cours d’eau ou s’infiltrant dans le sous-sol diminue, entraînant une baisse du débit des rivières et un appauvrissement des nappes phréatiques. Pourtant, l’économie de la RDC est fortement dépendante des ressources naturelles, ce qui signifie que les sécheresses récurrentes, les pluies irrégulières et les inondations continueront à avoir un impact négatif sur les moyens de subsistance et les biens des communautés.[5]

La faible occurrence des inondations observées à ce jour (2015, 2016, 2022, 2023) prouve à suffisance que le risque du péril est à craindre.  La situation humanitaire observée en décembre 2023 avec la montée des eaux du fleuve Congo, ayant provoqué des vastes inondations dans plusieurs provinces et dans la capitale Kinshasa où des quartiers entiers ont été submergés par des eaux doit interpeler tous les acteurs. Il s’est révélé des faiblesses sur la prévention des catastrophes naturelles, la proactivité des réponses, la prise en charge des victimes, la cartographie de la vulnérabilité des humains et non humain.

Dans ce contexte, la question des impacts du changement climatique sur le régime hydrique du pays doit être bien examinée pour garantir des projections rassurantes dans les capacités d’adaptation de la population.

  In fine, recommandons ce qui suit :

Aux Parlement et aux Assemblées provinciales

  • Accélérer la revisitassions des textes juridiques qui régissent le secteur de l’environnement et de l’eau en particulier ;
  • Initier de contrôle parlementaire auprès des institutions publiques qui travaillent dans le secteur de l’eau ;

Au Gouvernement

  • Appuyer les services techniques tels que : la Metelsat (Agence Nationale de Météorologie et Télédétection par Satellite), l’INERA (Institut National d’Études et Recherches Agronomiques), la Régie des Voies Fluviales (RVF), le SNHR (Service National Hydraulique Rurale), CNAEHA (comité national d’action de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement) dans leurs rôles respectifs ;
  • Accélérer l’élaboration du Schéma National d’Aménagement du Territoire intégrant la composante des zones inondables ;
  • Mobiliser les moyens financiers et humains pour la mise en œuvre effective des plans nationaux d’adaptation aux changements climatiques ;
  • Élaborer les textes d’applications conforme à la loi relative à l’eau ;
  • Assurer les renforcements institutionnels par la mise en place d’une coordination intersectorielle pour le monitoring et la constitution de la basse des données des questions de l’eau en RDC ;
  • Encadrement des initiatives privées de production et d’adduction d’eau dans les milieux urbains, périurbain et ruraux;
  • Promouvoir les investissements et les renforcements des capacités des acteurs pour améliorer les services des ressources en eau ;
  • Lutter contre la pollution des eaux (rivière, fleuve, lac, cours d’eau) ;

 

À la société civile

  • Sensibiliser les populations sur la gestion durable de l’eau ;
  • Plaider auprès des autorités pour la mise en œuvre effective de la loi relative à l’eau ;
  • Plaider auprès du ministère en relation avec le parlement pour accentuer la vulgarisation de la loi relative à l’eau.

Au monde scientifique

  • Initier les recherches sur les impacts du changement climatique dans le secteur de l’eau ;

 

Adopté à Kinshasa, le 27 mars 2024

 

Pour les organisations de la société civile environnementale

Guy KAJEMBA BAGWALA

Coordonnateur National

Liste des parties prenantes

  • APEM
  • CAGDFT
  • CAPID
  • CERAD
  • CFLEDD
  • CRESH
  • CTIDD
  • ECC
  • Geofirst development
  • GTF
  • IGED
  • IRI RDC
  • LINAPYCO
  • RCEN
  • REPALEF

 

Téléchargé la déclaration 

 

[1] RISASI, R et al. (2021), Analyse, enjeux et recommandations du projet transaqua, Revue Congo Research Papers, vol 1, n°1 p.58-76. https://doi.org/10.59937/HAOU9108

[2] UNICEF/WHO (United Nations Children’s Fund and World Health Organization). (2015). Progress on Sanitation and Drinking Water—2015 Update and MDG Assessment. UNICEF and World Health Organization, Geneva.

[3] ANAPI, (2021), Investir dans le sous-secteur de l’eau, p5

[4] https://www.lesagencesdeleau.fr/ressources/le-grand-cycle-de-leau-face-au-changement-climatique

[5] PNA, plan national d’adaptation aux changements climatiques (2022-2026)

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Groupe de Travail Climat Redd + Rénové (GTCRR)

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